Maroc : Le tatouage chez la femme berbère.

Le tatouage dans sa dimension esthétique

Le tatouage, symbole d’un érotisme suggéré dont les femmes berbères détiennent le secret depuis longtemps, est une esthétique où chaque trait, chaque cercle, chaque motif a son rôle. Sur le front, le tatouage rapproche les sourcils, les allonge et donne au regard une profondeur qui fait oublier les imperfections du visage. Quand il se prolonge du menton au cou, il dissimule les rides.

Lorsqu’elle se poursuit jusqu’à la naissance des seins ou du nombril, elle suggère des plaisirs cachés. Partout sur le visage, il agit comme un masque érotique.

Le tatouage : histoire à savoir

Cependant, à travers l’histoire, sa portée est allée plus loin que la recherche de la perfection physique et ou celle d’une arme de séduction. C’était aussi un signe d’identification à une tribu ou à un groupe social.

Dans un Maroc mixte grâce à la migration et au nomadisme, les membres d’une tribu, ou peut-être d’un quartier, portaient des pancartes pour signaler leur appartenance, inscriptions que l’on retrouvait souvent aussi sur des bijoux ou des tapis.

Le tatouage : des changements sur se symbole

Mais, la différence aujourd’hui, c’est qu’on choisit sa tribu, celle des tatoués. Et ces tatoués, qu’ils optent pour des signes maoris – les plus demandés par les hommes – ou des images figuratives, ont aujourd’hui cela en commun, ils ont tous besoin de crier haut et fort leur refus de rentrer dans un moule imposé par le corps social. Celui aussi, d’exiger le respect de leur individualité et la volonté de la préserver tout en vivant dans le groupe. Ce besoin peut traduire une souffrance psychologique, une crise identitaire.

Séduction, tribalisme, mais aussi rébellion et douleur. Dans les années soixante, l’Occident, pourtant étranger à cette culture, l’a adoptée. La révolte de toute une génération en a usé pour exprimer son rejet de la « manière de vivre de l’après-guerre ». Un moyen d’expiation, aujourd’hui encore. Les dizaines de clients qui défilent sous l’aiguille de Ali, et de ses rares confrères au Maroc, partagent ce même souci. Et ce, en l’absence d’autres vecteurs d’extériorisation de leurs frustrations. Ce ne serait peut-être pas faux de percevoir dans cet acte une forme de recherche de soi et de son identité profonde. Même de la manière la plus inconsciente.

Dans le Maroc musulman, c’était une mutilation, donc un péché. Pour pallier cette contrainte religieuse, les femmes lui ont substitué le henné.

Tatouages au henné : une expression de douleur

Il n’est plus question de la finalité esthétique et séductrice de la géométrie des tatouages au henné, mais d’une expression visible de la douleur, aujourd’hui, comme dans le Maroc d’il y a des siècles.

La matérialisation du drame sur soi par le tatouage était en effet la caractéristique de milliers de femmes berbères au moment de la résistance à la conquête arabo-musulmane. la dame qui venait de perdre son mari s’est tatoué le menton, d’une oreille à l’autre (donnant naissance à la barbe du mari perdu, sur son propre visage), et donc celle qui a été témoin de l’emprisonnement de son mari immortalisé dans des anneaux aux poignets forment la douleur des mains liées (les menottes de l’humiliation de son homme). Ils ont également tatoué des anneaux à leurs chevilles, appartenant aux lourdes chaînes traînées par leurs maris, emmenées à la guerre par l’ennemi.

Le tatouage était un refus de l’autre, dans sa capacité de nuisance et de destruction. Ces pratiques ont perduré des siècles durant. Jusqu’à la moitié du siècle dernier, le tatouage définitif continuait d’être une marque d’appartenance tribale ou régionale. Ses autres expressions, la douleur notamment, avaient pratiquement disparu.